Arrivée au Cambodge

Pour une dernière nuit au Vietnam, ils ont encore monté le thermostat d’un cran. Et puis pas d’chatte mais le ventilo, à l’inverse de certains ne brasse pas bien l’air, et le drap de lit est dans l’une de ces matières qui vous fait transpirer même en hiver. Il est 5h30, il n’est plus possible de se rendormir, et je pars pour mon dernier petit-déjeuner vietnamien, dont la base est invariablement des nouilles de riz. Quand je retourne à mon hôtel, j’ai l’impression d’avoir déjà perdu toutes les calories que je me suis empifrées.

Sur le bateau tout le monde a chaud, et il y a même les plus gros qui sont contents car ils perdent des kilos sans rien faire. Au bout de quelques temps, ceux-là même, sont en fait plutôt rassurés, car ils estiment que s’ils avaient perdu autant en partant du poids des maigres, ils seraient en danger de mort. Alors à cette évocation, tout les gros se mettent à paniquer pour les maigres. Les maigres se regardent et se disent que c’est injuste d’être aussi maigre. Les gros disent alors qu’il suffit de manger plus. Les maigres répondent qu’ils essayent mais que ce n’est pas toujours facile ou possible, et qu’ils font de leur mieux, et que si c’était aussi simple, il le ferait avec grand plaisir et deviendraient champions de sumo. Les gros répondirent un peu mécontents, que cela n’avait rien à voir avec le sumo et qu’ils ne se sentaient en rien concernés. Les maigres ont alors rectifiés en disant qu’ils pensaient plutôt aux rugbymans et aux haltérophiles, les gros précisant qu’ils trouvaient ridicules les gymnastes et les jockeys. Vinrent ensuite des comparaisons osées sur base animale. Les maigres et les gros furent alternativement comparés à des anguilles et à des baleines, à des suricates et des éléphants, et à des poules asiatiques et des vaches charolaises.

Arrivés à la frontière, on a bien du arrêter ces scènes de ménageries, car on nous a demandé de remplir quelques formulaires, de nous ravitailler abondamment, le prix du visa étant déterminé au poids du client, de changer de bateau et surtout d’ambiance car ici au Cambodge, ce qu’il s’est passé avant n’est plus possible.

Comme il y avait encore quelques heures de fleuve, maigres et gros ont décidé de ne plus parler pour éviter de fâcher quiconque, et de jouer aux cartes ensemble, comme un symbole de rapprochement communautaire. Et quoi de mieux qu’un bon vieux Trou du cul (également appelé Président dans les cercles moins populaires, en particulier dans les Hauts-de-Seine), jeu internatiotaille s’il en est puisque tout le monde connaît les mesures à respecter et les finesses à mettre en place.

Pendant ce temps les paysages défilent, mais personne ne semble véritablement y prêter attention car les parties sont diablement disputées. Michael, un des deux allemands de l’embarcation, n’a pas l’occasion de prendre une photo, puisqu’il fini toujours Trou du cul et donc qu’en plus il doit mélanger et distribuer les cartes. Pas d’chatte car ça vaut quand même un p’tit coup d’oeil. Dans l’eau, il y a des buffles et des gamins qui font coucou. Et puis sur les rives tout le monde rigole, certainement parce que ça les amuse beaucoup que Mike perde sans cesse. Comme au Vietnam, il y a des maisons sur pilotis, des rizières en bordure, des gens et des animaux, mais pourtant on ressent que c’est pas pareil, qu’on n’est pas dans la même place. C’est peut être parce qu’en Asie, tout est Same Same but Different.

Non vraiment, on a juste passé une ligne imaginaire, mais la lumière est différente sur les rives du Mékong, sur les façades des maisons et des temples, et peut être même dans les yeux des gens. La première chose qu’on a tous remarquée, c’est le sourire des cambodgiens. Tous sourient même s’il n’y a pas de raison apparente. Peut être sont-ils juste contents d’être là, au fond. Et, nous aussi, on se met à sourire, car au fond, on est tous aussi très content d’être là, sur la route de Phnom Penh.