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hkg bkk - Balade à travers la Chine, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Thailande
27 août 2011

Krabi, la ville où j’ai finalement rencontré Jo Ni

Krabi est une étape assez cocasse. Elle l’est parce qu’elle m’a été conseillée par des voyageurs qui finalement n’étaient pas en phase avec moi. Ou peut-être n’étais-je moi pas en phase avec eux, mais au final, retenons que nous n’étions pas en phase. Je pense que j’aurais pu trouver de l’intérêt dans Krabi si je n’avais pas fait la Chine ou le Vietnam avant, dans le même voyage, si j’avais été dans une filière plus courte. Mais, même si je ne peux pas dire malheureusement, je les ai fait. Et, Krabi n’apporte rien de réellement extraordinaire. Ou alors, c’est moi qui ne demande plus les mêmes choses, et suis devenu un autre voyageur, qui se met à aimer davantage les plages, le repos. Mais même pas au fond. J’aurais aimé me retrouver à Canton car j’y aurais découvert encore mille autres choses. Mais Krabi est une petite ville, et le tour en est rapidement fait. Et sur ce tour il n’y a eu que peu de choses surprenantes. J’ai eu beau chercher pendant tout l’après-midi, les recoins, les arrières de magasin, les bords de la rivière : rien de nouveau. Le but de Krabi n’est peut-être pas là et la ville et leurs habitants sont en droit de me demander qui je suis, et de quoi je me mêle. Pourquoi Krabi devrait-elle être une belle ville ou devrait en avoir l’ambition ? La ville d’où je viens souffre d’une mauvaise image, et même si je garde le secret espoir que les visiteurs se rendent compte qu’elle n’est pas si mal, je ne vois pas de quel droit je pourrais en fait critiquer la leur et les gens qui la font, et imposer aux visiteurs d’aimer la mienne. Mais voilà, ma première rencontre avec deux de ces personnes qui la font a été mauvaise, et dans mon esprit binaire les autres qui la font en ont pâti. Du moins au début. C'est-à-dire pendant à peine quelques heures. Mais j’ai quand même cru q’il ne se passait rien à Krabi.

 

La ville de Krabi n’est donc qu’une ville qui a pour but de faire vivre ceux qui la font, c'est-à-dire les descendants de ceux qui l’ont fait, à plus ou moins quelques uns près. Et je dois dire que finalement cette étape m’a fait redescendre sur Terre, car les îles, belles comme elles sont, vous font un peu oublier la réalité : la vie continue de l’autre côté de la mer. L’après midi je déambule le long des avenues, et je vais même assez loin, dans des quartiers résidentiels et des faubourgs plus populaires. Dans le centre, je visite les quelques magasins d’électroménager et les librairies scolaires à la recherche de romans en anglais que je ne trouverai pas. Il y a ces cantines chinoises et ces restaurants musulmans qui me rappellent avec joie mes bouffes chinoises. L’intérêt de Krabi (à ma bouche) commence à se matérialiser avec une assiette bien pleine de saveurs tant appréciées quelques mois plus tôt.

 

Krabi_04

 

L’après midi, lorsque j’avais débouché sur la rive de la rivière qui se jette par un jeu de delta dans la mer à quelques kilomètres de là (un fleuve donc), je m’étais fait proposer une énième balade en bateau à travers les pics karstiques de la zone. J’en avais marre de payer des bateaux pour des pics karstiques. Le gars, insistant, ne voulait pas comprendre. Pour m’en défaire, j’avais dû lui dire que j’étais en fin de voyage, que je n’avais plus une thune car j’avais plus dépensé que je n’aurai dû, et, j’en suis arrivé à lui dire que je ne mangeais qu’une fois par jour pour qu’il lâche l’affaire. C’est vrai que parfois mes repas étaient maigres, mais au final ce soir-là à Krabi je me suis bien rattrapé. J’étais très gêné d’avoir eu recours à cet argument, surtout dans un de ces pays (je dirais même un sous-continent tout entier) où l’abondance des plats est naturelle. Souvent, au restaurant, lorsque je ne demandais qu’un plat (qu’une assiette), les jeunes serveurs et serveuses me regardaient un peu surpris en attendant la suite de ma commande (laquelle ne venait pas souvent). Cet argument m’a donc gêné, mais je crois que le plus gêné était encore le piroguier, sitôt ma vraie fausse famine avouée.

 

Krabi_06

 

Krabi_02

 

A Krabi j’aurais bien mangé du crabe. L’emblème de la ville. (D’ailleurs pour ceux qui connaîtraient la chaîne de sandwiches bruxelloise Croq’in, ils savent que le sandwich au crabe est dénommé Krabi. Comme quoi, personne n’a rien inventé, surtout les belges, à part la BD). A défaut, j’ai goûté sur la place de la ville qui fait office de marché, et ce soir là de fête populaire (car décidément lorsque j’arrive quelque part j’ai toujours la chance qu’il se passe quelque chose), des trucs bizarres, entraîné par le motoboy de l’hôtel qui, pris de pitié, me voyant traîner sur la rue comme un clodo, m’a invité à aller voir un pote à lui jongler avec le feu. (Pris au dépourvu je n’avais pas mon appareil, mais ce qui suit aurait mérité quelques vidéos). Ce pote là faisait tournoyer un bâton de flammes à quelques mètres des échoppes et au milieu de gamins qui courraient dans tous les sens avec une dextérité sans pareille, si l’on omet les deux fois où le bâton est parti dans le public. Après le show et les quelques blessés évacués, les autres animations reprirent leurs droits. Elles se succédèrent sur une scène de taille respectable et furent menées avec brio. Un groupe de jeunes y démontrât son talent dans l’art du breakdance sur des musiques rap-thaî, ce qui était assez déroutant pour rester correct. Et, comme dans toute soirée, le plus déroutant ne vient qu’après le dernier fait le plus déroutant survenu jusqu’à ce moment-là. L’animateur, un gros bonhomme souriant avec chemise bleue à rayures et cravate rouge pas trop mal ajustée, parle sans cesse entre les numéros, et on se rend compte rapidement qu’en fait il monopolise le micro parce qu’il nous ferait bien quelques démos de karaoké, lesquelles performances obtiennent sans conteste les faveurs du public. Le temps que la musique démarre après son speech d’introduction et remerciements, il lance quelques clins d’œil de-ci de-là, un petit coucou à une femme au premier rang, et il commence à chalouper correctement puis dangereusement sur des rythmes country-thaï, ce qui en matière de déroute est, vous en conviendrez, un réel tour de force. Le public, en délire en redemande. Quelques femmes, hystériques, vérifiant si leurs seins sont toujours en place, lui lancent des « prend-moi Bouboule ». L’homme, respectable, ignore modestement ces avances qui fendent la foule, mais s’exécute de bonne grâce à de nouvelles chansonnettes devant quelques maris désabusés qui ne contrôlent plus rien. Après trois tubes bien assurés, l’animateur se décide à passer la barre pour un quart très court à l’un des malheureux qui attend derrière. Les enfants, impatients de monter sur scène, trépignent en coulisse au point de voir des parents qui désolés, tentent désespérément de les calmer et de sécher quelques larmes cependant que la chemise à rayures sélectionne en réajustant sa cravate la prochaine rengaine qu’il chantonnera à l’audience, dans la minute qui suit. Dans les dernières mesures de la chanson qui aura caractérisée une brève hydratation et un intense épongeage de front, il subtilise le micro à la diva qui méritait les applaudissements, la pousse limite hors de scène et récolte pour lui les clameurs en faisant signe que ce n’était rien, et que ce n’est seulement que maintenant que les histoires sérieuses allaient commencer. D’un ton grave et solennel, il présente en anglais la prochaine chanson qu’il va interpréter, ce qui fit fondre à nouveau les femmes assises aux premiers rangs, lesquelles n’avaient plus de mots assez forts pour le convaincre de les rejoindre. Prenant négligemment sa cravate entre le pouce et l’index, il susurrait à la façon d’un Frank Sina-thaï, quelques phrases qu’il devait comme le public, ne pas comprendre, dans un anglais que les anglais ne devaient pas non plus comprendre. Mais, le succès ne dépend pas de la justesse de l’accent à en croire les hourras qui suivirent l’interprétation. Sûr de lui, l’homme prenait le temps entre deux reprises d’un petit laïus, qui pour une fois dans sa langue maternelle, semblait parler plus concrètement au public qui s’esclaffait comme lors d’un thaï-man-show bien réglé. Pendant tout ce spectacle déroutant pour ne pas dire désastreux, je m’enfilais des amuse-bouche aux condiments vifs. Les mains pleines de graisse de friture, pris dans l’ambiance, je les tapais les unes contre les autres lorsque la cravate nous le demandait. De temps en temps, des hommes se levaient et passaient de l’autre côté des stands, pour se taper la tête contre les murs.

 

Ce mec assurait grave.

 

Et dire que j’ai osé commencer mon article en laissant entendre qu’il ne se passait rien à Krabi.

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