Mui Ne, ou le parfum du bout du monde

Mui Ne, en exagérant un peu, ça ressemble au bout du monde. Après on se demande s’il y a bien quelque chose, et donc on se dit qu’il vaut mieux ne pas tomber de l’autre côté. Aussi là-bas, j’ai eu l’impression d’avoir atterri en plein milieu d’un reportage de Thalassa. Même des fois j’avais dans ma tête les voix des potes de Georges Pernoud qui me faisaient des commentaires avec la poésie qu’on leur connaît sur le travail en mer, la vie au village, les paysages côtiers et le fait qu’avant c’était pas pareil, et que tout est en train de changer.

Le jour d’après mon arrivée, je pars à cinq heures du matin, en direction des dunes de sable blanc. Assis derrière mon guide, je vois le ciel progressivement s’oranger à mesure que nous nous approchons des dunes. Puis, les pieds dans ce sable vierge, je vois le soleil se lever au dessus de cette espèce de petit désert, dans un silence de bout du monde. Plus tard je marcherai dans un minuscule canyon rouge. Et puis, il y aura aussi les dunes, rouges elles aussi, en exagérant un peu, car pour moi elles auraient besoin d’un bon coup de peinture pour retrouver la couleur d’origine, qui devait être le rouge puisque c’est le nom qu’on leur a donné.

Mais le moment où je me suis vraiment senti au cœur du reportage, c’est lorsque mon guide m’a arrêté au dessus d’une énorme digue, et que depuis là-haut j’ai vu ces centaines de bateaux en bois, colorés, ancrés dans le port pour les plus gros, échoués sur le sable pour les plus petits. Sur le rivage, des hommes qui déplient et replient des filets, qui réparent de petites avaries, et des femmes qui nettoient et vendent poissons et crustacés. Il est huit heures du matin, la lumière est irréelle, l’effervescence est à son comble, et l’odeur du bout du monde est celle du poisson et de la vase séchée.

Plus tard dans l’après-midi, je remonte la source des fées, petit ruisseau qui se jette dans la mer (un fleuve donc), et j’ai alors l’impression de remonter à la source de la vie, de la Terre, et peut être même de l’Univers, tiens tant qu’on y est. Les pieds dans quelques centimètres d’eau brunâtre, je marche en me demandant jusqu’où je vais aller et si je ne vais pas tomber sur Eve qui croquerait une noix de coco, assise sur un rocher.

Et puis entre ces petites escapades dans ces paysages extravagants, je passe mon temps sur une chaise longue, à l’ombre d’un palmier (mais pas juste en dessous pour éviter de recevoir une coconut sur la poire), au bord de la piscine ou sur la plage de l’hôtel, à siroter des jus de fruits glacés. Je vous ai pas dit mais en fait, au bout du monde, il y a quand même de bien beaux établissements, et comme quand vous êtes au bout du monde vous savez pas si vous allez tomber de l’autre coté ou non, alors vous profitez de tout comme si c’était le dernier jour. Alors je me suis autorisé un p’tit kiff, comme disent les jeunes, bien mérité après le confort parfois rudimentaire de mes petits chez moi d’un soir. Finalement je ne suis pas tombé de l’autre coté, et c’est bien agréable de se dire que l’on pourra encore profiter de ce genre d’endroits de temps en temps, de temps en temps seulement.