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hkg bkk - Balade à travers la Chine, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Thailande
24 mars 2010

L'arrivée au Vietnam - Sapa

A peine sorti de la course folle avec Fangio, qu’une nouvelle commence : traverser Kunming d’ouest en est le plus vite possible pour s’assurer une place de bus pour la frontière vietnamienne dès le soir même. Pour réussir la mission, trois bus, deux heures de marche-arrêt, et cent demandes de confirmation car on est pas toujours très convaincu par certaines réponses. A l’arrivée, il ne manque plus que Stéphane Rotenberg pour me remettre le dossard d’immunité (on est qu’à la moitié de l’étape, l’amulette ça sera une fois au Vietnam). Une fois le ticket dans la poche, machine arrière, retour dans le centre du Kunming pour six heures de déambulation, mes dernières en Chine si l’on omet celles que je vais encore passer dans les transports.

Je profite donc de cet intermède pour me remplir la panse en vidant mes derniers yuans, économisés sur les précédentes étapes. Comme ma foi il me reste quand même plus que de quoi payer un repas, je me paye trois repas en six heures. Comme tout ça ça pèse lourd, je reste assis après chacun des repas pour la traditionelle pause postprendiale (ça c’est placé). J’en profite pour dresser un petit bilan de mon séjour en Chine, et je me dis « Eh bien mon garçon, c’était plutôt pas mal la Chine, et je reprendrais bien un peu de thé ». Bien sûr en Chine des fois on se dit dans certaines situations « m’enfin, mais qu’est ce que c’est que cette histoire », mais quand on se le répète avec l’accent belge, ça passe tout de suite beaucoup mieux. La Chine est tout simplement un monde aux repères différents ; si notre monde est rond, le leur est carré, et si le leur est carré le notre est rond. Je ne sais pas quel est le bon repère et s’il y a un bon repère, mais c’est juste comme ça, c’est différrent, et c’est peut être un repère ovale qu’il faudrait pour que tout nous paraisse un peu plus logique. Mais c’était intéressant d’évoluer pendant un mois dans ce repère différent.

Je me remémore aussi mes rencontres, je me construis mon top 3, et je me dis que jusque là tout s’est bien passé et fut riche en découvertes et en bons moments. J’ai pas fait médecine mais je me fait mon petit bilan de santé. Mis à part cette douleur au genou que j’avais bien cherché, rien à signaler. Et puis c’est l’heure du départ. Je m’installe dans ma couchette après avoir esquivé la première tentative de racket de la part d’un responsable de la gare routière (l’attaque était un peu molle, et il s’avait pas que moi aussi en terme de raquettes j’en savais un peu). Le contexte est tendu, et la soirée ne commence pas de la meilleure des manières. Elle sera bien pire encore.

Après trois heures de route, je commence à me sentir particulièrement mal. Une heure plus tard, on fait une pause vers des stands de brochettes. Fangio n’est pas là car ce n’est pas son circuit, mais notre chauffeur s’en lance quelques une derrière la cravatte tout de même. Toutes ces odeurs me montent au nez et je ne suis pas dans mon assiette. Puis c’est le tournant, celui où je commence à comprendre que je ne suis pas juste qu’un peu vaseux, mais que je suis bien malade. En un instant, je vois mes repas de Kunming qui prennent l’air sur un bout de trottoir, et quelques minutes plus tard, je suis enfin obligé de tester cette fameuse rigole turque collective car je n’ai vraiment plus d’autre choix. Il reste huit heures de route, et je maudis Stéphane Rotenberg de ne pas m’avoir donné l’immunité.

Le bus repart, et mon envie de vomir aussi. Au bout de quelques dizaines de minutes, alors que le sachet dans lequel j’avais rangé mes chaussures m’est bien utile, le chauffeur s’arrête entendant bien qu’il y a des bruits suspects dans son dos. J’ai une minute pour prendre l’air, et on est reparti. Il reste sept heures de route et on me fait bien comprendre que je n’aurai plus droit à ces petites pauses. Alors je me crispe de toutes mes forces et essaie de dormir en ne pensant pas au pire, en oubliant les cafards qui se promènent sur la fenêtre de ma couchette. Je pensais quitter la Chine sur un sans faute mais j’avais certainement déjà vendu la peau de l’ours. Grrr...

Lorsque nous arrivons à destination, à six heures du matin, je ne sais même pas si je me suis fait dessus, mais je me suis quand même posé la question, c’est vous dire. Il fait déjà chaud et l’humidité est forte. J’ai froid puis chaud, j’ai l’impression d’être un glaçon qui fond dans une chaudière. Je n’ai apparament pas vomi, où alors je suis allé le faire au fond du car sur la couchette d’un collègue, mais à l’arrivée personne n’a gueulé ce qui me fait penser que je ne l’ai pas fait. La frontière est à cent mètres mais n’ouvre que dans deux heures. Tout est fermé, et je suis obligé de faire plus fort encore que les chiottes publiques : la voie publique, à quelques mètres à peine du poste frontière chinois, où un garde somnole encore, caché derrière un frêle arbuste.

Lorsque le poste frontière ouvre, quelques chinois me passent devant car c’est comme ça qu’on fait en Chine (après on fait semblant de pas comprendre, qu’on pensait pas que vous attendiez. « Mais non les gars, je suis v’nu voir si y’avait pas un officiel qui voulait faire un tennis, parce que j’m’y connais un peu en histoire de raquettes.») Et puis pas de chance mais ensuite mon examinateur de passeport est accompagné d’un stagiaire à qui il montre tout trois fois, et quand je dis tout c’est toutes les coutures du passeport français, comment marche le scanner, comment vérifier les fiches et les visas, et comment tamponner. J’adore et ça tombe bien car je suis pas pressé, mais bon je suis bien d’accord qu’il faut bien un peu les former les douaniers.

Côté vietnamien on nous fait d’abord remplir une feuille sur son état de santé. Je lis « Quarantine » et je dois cocher des cases pour dire si tout va bien pour moi. Comme je pète la forme, je coche « non » à côté de tous les symptômes décrits : fièvre, maux de tête, raideur de la nuque et du dos, diarrhée, etc. Tout ce que j’espère en cochant cette dernière case, c’est que je puisse résister, au moins le temps de quitter le poste frontière. Sinon peut être qu’ils me garderaient dans une salle blanche pendant trois jours, mais ce n’est pas grave, pourvu qu’il y ait des toilettes. Avant de remettre le formulaire, je me refais une beauté (épongeage de sudation) et sort le sourire Steve Hurckle. Je ne sais pas ce que ça devait donner mais c’est passé comme sur des roulettes. Encore un autre formulaire (pour la forme) et me voici tamponné autorisé à 30 jours de Vietnam.

Une fois dans la rue, je me dis que le plus dur est fait, et que quand même je peux rejoindre Sapa, à une heure trente de minibus. Ici à Lao Cai, il n’y a pas d’auberge, mais seulement quelques hôtels plus chers. Je ne mets pas longtemps à trouver un minibus, puisqu’en fait c’est ses rabatteurs qui me sautent dessus. Je prends quand même la peine de contrôler les prix auprès d’autres bus, de négocier un peu, parce que malade ou pas, je ne vais quand même pas me faire avoir (pour info, différence entre le plus cher et le moins cher : 80 centimes d’euro, mais c’est le principe).

Et c’est là que commence peut être une des parties les plus éprouvante du voyage. Je pensais un peu bêtement, que dès que quelques passagers seraient montés à bord, nous allions partir, mais en fait nous allons attendre plus de deux heures que le bus soit au plus que complet. Des fois, les rabatteurs se mettent en pause, plaisantent, et nous regardent avec cet air qui dit « Ben mes coco, vous êtes pas encore à Sapa, héhé ». Si bien que, comme on n’a pas toute la journée, et qu’à l’intérieur on commence à cuire (moi je suis déjà à point), je tente le tout pour le tout et par la fenêtre je fais l’article : « Sapa : good price, very cheap. » Mais rien n’y fait, personne ne veut monter à Sapa. Enfin pas vraiment, mais c’est qu’en fait tout ceci est un vrai travail d’artiste : plusieurs minibus se battent entre eux alors qu’on pourrait se mettre à la queue leu leu et remplir les bus un par un au lieu d’essayer de les remplir tous en même temps. Qui dit travail d’artiste peut dire spectacle, et même dans ce cas spectacle hallucinant. Des passants ayant dû dire qu’en effet ils se rendaient à Sapa se font littéralement arracher leur bagage par les différentes équipes de rabatteurs, lequel est placé dans le coffre de l’équipe gagnante, et le nouveau client un peu medusé est conduit énergiquement à l’intérieur du bus des vainqueurs. Certains passants sont jeunes et cela ressemblerait presque à un détournement de mineur de moins de 15 ans voire à un viol en bande organisée. C’est sale, c’est mal, mais à l’intérieur on gueulerait presque « allez les gars, foutez-le dans l’camion ce mioche, et qu’on s’arrache de là. » Mais toute cette agitation me donne à nouveau le tourni, et par la fenêtre, j’ai moi aussi de quoi m’occuper un peu, mais plus en faisant l’article cette fois-ci. Grâce à la finesse des rabatteurs, petits génies de la vente suggérée, petit à petit le bus se remplit, et lorsque celui-ci fut rempli, nous avons encore attendu, car rempli c'est bien mais surchargé c'est encore mieux, ça tient chaud sur les banquettes.

 

Sapa_03

 

A Sapa, je dois encore résister aux rabatteurs d'hôtels et aux vendeurs de toute sorte. Mais je trace ma route en forçant le trait du malade qui n’en peut plus et qui va bientôt mourir, et qu’il faut laisser en paix. Et ça marche, ils me laissent tranquille en se ruant sur d’autres touristes. C’est que à Sapa, ça ne manque pas les touristes. En fait à Sapa, il y a les touristes, les gens qui vendent aux touristes, les gens qui proposent le logement aux touristes, les gens qui préparent à manger aux touristes, les gens qui vendent des circuits aux touristes, les gens qui disent « Motorbike » aux touristes, et c’est tout. Je crois qu’à Sapa tout est lié au tourisme, et c’est comme si dans cette ville le soir ne dormaient que des touristes, renvoyant dans des villages voisins tout ceux qui ont essayé de tirer parti pendant la journée de cette présence blanche.

 

 

Sapa_06

 

 

Mais en fait, rien d’étonnant à cela, car Sapa est une des stations climatiques créées en Indochine par les français. Elle le fut au debut des annes 1920 dans un cadre apaisant de rizières et de fraîcheur, dans une zone peuplée de minorités ethniques, que l’on appelait allors les montagnards. C’est dans ces jolis bâtiments couleur pastel plus forcément d’époque, la guerre étant passée par là, que les plus beaux hotels sont encore aujourd’hui, mais moi, je traverse toute la ville, et descends un peu pour aller chez les sans le sou. Mais là j’y dors bien, tout l’après-midi et toute la nuit sans même sortir de ma chambre.

 

 

Sapa_05

 

Le lendemain, ça va beaucoup mieux, mais le problème c'est que dehors c'est pas folichon. On ne voit rien à trente mètres, puis à dix, et puis il va même se mettre à pleuvoir, chose dont je n'avais plus l'habitude. Pour passer le temps, je fais le tour des agences qui proposent les circuits dans les villages voisins et je pose dix milliards de questions inutiles et tente de voir s'ils me croient quand je leur dis que je suis intéressé par un circuit à 800 dollars. Mais ça s'arrêtera là pour la journée, et le lendemain comme c'est la même, que Sapa n'offre pas beaucoup d'alternatives, que je n’ai toujours pas envie de m’acheter des boucles d’oreilles en argent ni de sac à main brodé, et que des rizieres j’en ai deja vu de merveilleuses en Chine, je pars en direction de Hanoi avec un nouveau train de nuit.

 

Sapa_04

 

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Commentaires
C
Ton désintérêt pour les boucles d'oreilles, passe encore! mais pour les sacs à main... T'es vraiment pas moderne comme garçon!!
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