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hkg bkk - Balade à travers la Chine, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Thailande
9 mars 2010

Sacré Emei Shan

Après ma rencontre ratée avec Bouddha à Kong Kong, je remets le couvert, mais cette fois-ci, pour mettre tous les chances de mon côté, je m’apprête à gravir l’une des quatre montagnes sacrées pour les Bouddhistes en Chine : le mont Emei, également appelé Emei Shan, dans le Sichuan. Inutile de vous préciser que j’ai posé au préalable mes conditions et ai prévenu sa divinité que cette fois-ci c’était du serieux, et que je pourrais bien me détourner définitivement de la religion, s’il y avait embrouille.

Au matin du premier jour, je rencontre dans la vallée un jeune couple de parisiens, Roméo et Tsama, voyageurs au long cours, et sans vraiment le décider, mais juste parce que nous étions là au même moment (c’est que nous avions eu à la base, chacun de notre côté, la même idée stupide), nous allons partir ensemble dans cette ascension. J’ai utilisé le mot stupide, car il faut bien l’être, au moins un peu, quand on sait que l’on peut monter par la route. Alors tant qu’à être stupide, autant ne pas être tout seul, et j’ai donc fait en sorte de ne plus les quitter, en m’accrochant très fort.

Le début de l’ascension est marqué par un brouillard épais. Plus nous montons, plus nous nous enfonçons dans le coeur d’un immense nuage. Parti de 700 mètres, nous atteignons le monastère où nous allons passer la nuit sans avoir presque pu voir les montagnes voisines. Ce nouveau rendez-vous avec Bouddha s’annonce bien mal.

 

EmeiShan_03

 

 

Nous sommes à 2000 mètres, il est 16h30, et sans parler de l’humidité puisque nous sommes au coeur du nuage, il fait froid. Le repas nous est servi à 18 heures et la soirée s’annonce longue. Nous désirons jouer aux cartes, mais dans notre chambre, lieu le plus chaud auquel nous avons accès, nous ne résistons pas à nous glisser sous nos couvertures, remettant la partie au lendemain. Nous bavardons encore un peu, et nous nous endormons, vêtus de tout ce que nous avons dans nos sacs. Il devait être 20h30, et jusque là on s’etait plutôt bien marré.

 

EmeiShan_09

 

Le lendemain, le réveil a sonné tôt, mais bon, c’est quand même parce que nous l’avions mis. Nous sommes déjà habillés en sortant du lit, et il ne nous reste qu’à enfiler nos chaussures. Il est si tôt d’ailleurs que le monastère est encore plongé dans le noir et qu’à notre grande surprise le petit déjeuner n’est pas encore prêt. Nous attendons donc que ces messieurs les moines se réveillent tranquillement, en essayant de nous réchauffer avec la méthode des cent pas. Après quelques coups de gongs donné par un moine qui n’avait apparamment pas envie de rire, ni même de dire bonjour, tout le monde rapplique. On nous donne un bol dans lequel on se sert du riz au lait de soja plutôt fade, une assiète de légumes vinaigrés dont je n’ai reconnu que le bambou, et un petit plat avec deux bouts de pains briochés bouillis, qui pour tout vous dire étaient les bienvenus.

 

EmeiShan_05

 

Lorsque nous sortons la vallée est presque dégagée et nous comprenons enfin où nous sommes. Nous ne pouvons cependant pas voir ce qu’il y a plus haut, car ce serait tout d’un coup trop beau. Mais très vite, les quelques nuages remontent et nous enferment à nouveau dans une bulle où seules les marches devant nous sont importantes. Bientôt une couche de glace apparaît sur ces dernières, rendant la progression plus difficile encore. On se marre toujours, mais un peu jaune. A 2500 mètres, nous sortons enfin de cette prison blanche. Nous sommes alors les témoins de paysages surréalistes, comme tirés de films de Tim Burton, comme l’a si justement remarqué Roméo, et je dois bien dire qu’il avait raison.

 

EmeiShan_07

 

A cette altitude, les marches sont de plus en plus difficiles à gravir, et nous entrons dans une nouvelle couche nuageuse. Il fait froid et nous avons chaud. Et puis, à 3000 mètres, alors qu’il nous faut encore monter de cent, le soleil commence à percer, pour quelques minutes plus tard éclater. Les feuilles ruissellent de la glace qui les avait fait plier durant la nuit. Il fait plus chaud, et les gouttes qui nous tombent sur le coup nous donnent froid. Les baraques commencent à peupler les abords du chemin, et même si nous ne nous le sommes pas dit, je pense qu’elles nous donnaient tous envie. Le ventre déjà vide, nous continuons sans broncher, tels de véritables pélerins, nous refusant à toute tentation.

Lorsque nous arrivons vers le sommet, nous distinguons plus bas ces nuages compacts qui s’étendent à l’infini ; nous les avons vaincu. Ça et là, nous apercevons quelques pics rocheux les percer, venant troubler la planitude de ce matelas blanc. Le ciel est bleu, le soleil illumine les dorures des premières statues. Nous sommes heureux d’avoir fait tout ce chemin, mais nous nous le disons à peine, comme par peur que ce spectacle ne s’arrête soudainement. Chacun marche de son côté, dans ses pensées (les nouilles, au boeuf ou au poulet ?).

 

 

EmeiShan_08

 

Bouddha est là, et pour se faire pardonner de la dernière fois, il a dix têtes, comme ça quand je lui tourne autour, je peux toujours le voir de face, histoire de rattraper le temps perdu. Elles brillent de mille feux et se détachent sur la pureté du ciel. Avec les nuages que nous surplombons, ces dorures aveuglantes et ces vapeurs d’encens, on en ferait presque une prière, mais rapidement ce sont ces fameuses nouilles qui nous appellent. Nous les dévorons sur une terrasse ensoleillée, et nous restons encore un peu, tels de vieux lézards, à nous charger de chaleur en perspective de notre retour en zone d’ombre. 

 

La descente s’avère rapidement longue et nous estimons que nous devrons la finir à la lampe torche. Certaines marches paraissent encore plus verglacées que le matin, et cela prend autant de temps de descendre que de monter. Il est 16 heures lorsque nous atteignons le monastère où nous avons passé la nuit. La glace a disparu mais les marches sont tout de même trop nombreuses. Mon genou droit commence à me lacher, et le gauche devient maladroit ; on peut dire gauche dans ces cas là (Raymond D., l’autre, pas le sélectionneur). Je continue la descente mais suis de plus en plus distancé par mes deux compagnons. Je sais que je ne pourrai rejoindre la ville, sauf à vouloir prendre le risque que tout lâche, remettant ainsi en cause le programme des prochains jours.

Le prochain monastère se fait attendre, mais il faut encore descendre de plusieurs centaines de mètres. La douleur s’intensifie au point de me faire douter de ma capacité à le rejoindre. Jai l’impression que mon genou se détache, ce qui m’amène logiquement à me demander où il veut bien aller. Lorsque finalement je rejoins Roméo et Tsama qui m’attendent devant ce satané lieu sacré, je suis contraint de leur annoncer qu’ici s’arrête mon chemin avec eux. Ils doivent continuer car leur route est également dictée par des impératifs (ils ont un bus le lendemain matin), et qu’ils pensent à la douche chaude, les veinards. Nous nous disons au revoir, et lorsque je passe le porche du monastère, je les vois se jeter dans les derniers kilomètres d’une descente vertigineuse, alors qu’il fait déjà presque noir.

Je suis emmené dans un dortoir que l’on a d’abord refusé à m’ouvrir, me proposant des conditions plus confortables et donc je vous le donne en mille, beaucoup plus chères. Nous sommes à 1100 mètres et il fait encore froid. La faible lumière de la chambre attire des papillons de nuit qui s’engouffrent par l’ouverture d’une fenêtre que l’on ne peut plus fermer. Chaque mouvement fait trembler le plancher, et avec lui les lits, les murs, le plafond. Il en est de même lorsque l’on passe à l’extérieur. Je serai seul dans le dortoir, mais on me designe un lit, m’interdisant rigoureusement de toucher aux autres. C’est bête, moi qui avait envie de me lever toutes les heures pour tester la literie.

Le refectoire est fermé, et on me dit que le service est terminé. Je regarde ma montre, il est 19h30. Dommage. Il me reste bien quelques petites choses à grignoter dans mon sac, et quelques bonbons népalais que Tsama m’a donné quand nous nous sommes quittés, mais même des nouilles, encore des nouilles, ne m’auraient pas dérangé. Et puis, alors que je suis là, comme hypnotisé par la faible flamme qui eclairci les murs rouges du monastère, car il n’a rien de mieux pour passer le temps, on vient me proposer une portion de nouilles, comme tombée du ciel. Dois-je y voir une manifestation particulière ? Du tout, c’est purement commercial, voire pire (immoral), car l’on ne me la cédera pas à moins de trois fois le prix. Je n’ai pas craché dessus pour autant, car la journée avait été longue et éprouvante, mais je ne m’attendais pas à ce qu’on ait autant le sens des affaires dans un monastère.

Le lendemain à six heures, les premiers appels résonnent, avec cette alternance de sons sourds puis secs qui paraît totalement incohérente pour le non-initié que je suis, mais qui vaut en tout cas tous les réveils du monde. Je me soustrais aux trois couvertures qui m’ont tenu au chaud (j’en ai quand même prise une sur un autre lit, mais c’est le jeu, puisqu’on ne pouvait pas fermer une des fenêtres) et me prépare à partir. Mon genou est encore douloureux et mes mouvements limités. Après trois heures de marche(s) je regagne enfin la ville et ai tout mon temps pour attendre le train qui m’emmènera à Kunmimg.

Pour finir, je tiens à remercier, Roméo et Tsama que j’ai eu la chance et le bonheur de rencontrer, alors que je m’apprêtais à réaliser ce périple seul. J’ai aimé leur projet, leurs histoires, leur facon d’être, leur compagnie, et je leur souhaite encore beaucoup de découvertes, au cours de leur long voyage. En esperant que je ne me sois pas accroché trop fort.  

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